Chroniques des Ombres de Pierre Bordage, 2013
Résumé
L’humanité n’est plus. Une guerre nucléaire a forcé les humains à vivre dans des mégapoles surpeuplées protégées et isolées par un dôme hermétique. Une de ces mégapole de plus de cent millions d’habitants est submergée par des milliers de meurtres. Les policiers appelés fouineurs par leurs bio-puces dans le cerveau augmentant leurs capacité sont dépassés. Est-il possible que ce qui occasionne ces meurtres de masses soient à l’extérieur, dans la zone sauvage avec les humains exclus du système et dégénérés ? Ou alors, est-ce un coup monté des autres mégapoles afin de s’octroyer des ressources manquantes ? L’humanité n’apprend donc-elle jamais ?
Critique
L’histoire
L’environnement dystopique ne surprend pas trop. On est là face à du déjà vu. Des énormes villes isolées derrière des dômes ou des murs gigantesques. Une agriculture automatisée hors limite habitable protégée par des robots. Des « sauvageons » incultes avec des rites religieux du paléolithique à la madmax. On a tous les ingrédients de la SF des années 70-80. En plus, on rajoute des cyborgs avec des puces dans le cerveau qui les améliorent et les tuent à petit feu. Ce n’est pas le décor le plus original que j’ai eu l’occasion de voir. Mais pourtant, il tient la route !
La complication, c’est-à-dire « les ombres » pour les cités unifiées et « les cavaliers de l’apocalypse » pour le pays « Horcite » elle, je la nuancerais. J’avoue que ne pas savoir ce qui est la cause est intéressant, mais la logique de personnifier les meurtres de masse par « les ombres » est un raccourci scénaristique que je n’ai pas trop apprécié. Le mélange entre meurtres inexplicables et facteurs politiques humains est confus. J’ai personnellement du mal avec l’explication humaine qu’essaie d’avancer l’auteur pour justifier les réactions sur le malheur qui s’abat. Je reste perplexe sur la façon dont sont gérés ces problèmes de destructions de masse dans une cité, qui passent inaperçus au sein de la population… En revanche, j’ai plus été séduit et j’ai accepté l’histoire du pays « Horcite » qui se passe en parallèle. Bien que le surnaturel soit plus présent, la logique me semblait vraisemblable.
La conclusion m’a laissé un peu sur ma faim. Pour de la Science-fiction, on aurait pu gratter plus loin dans la théorie du nouvel homme nouveau. Je ne peux pas aller trop en profondeur, sinon je vous en dirais trop. Si vous avez lu le livre (ou écouté la saga MP3) peut-être que vous avez compris un quelque chose qui m’a échappé. Moi, j’ai besoin de plus pour expliquer l’évolution de l’humanité et l’intangibilité de l’être omnipotent via les réseaux.
Les personnages
Je n’aime pas du tout la manière dont l’auteur aborde leurs introductions pour certains. La bio-puce (base de données accessible directement par la pensée) est bien pratique, elle permet de faire une description sans se fouler ni créer des situations d’action où le caractère du personnage pourrait se définir :
Première analyse morphopsykè Ava Adler, âge : 22 ans. Aucune correction génétique. Ambitieuse, déterminée, tenace, violente, émotive, exaltée et sensuelle sous froideur apparente.
Voilà, c’est fait, la bio-puce a fait un résumé en citant la fiche de la base de données de la ville. On passe à autre chose. J’avoue en plus que c’est un rien sexiste comme description, et j’ai un peu tiqué. L’auteur ne fait pas vraiment réfléchir cette Ava. J’ai l’impression qu’elle sert d’alibi à l’explication des théories de l’enquêteur Ganesh (je pense ça. Pourquoi répond-elle, parce que blabla. Ah d’accord, je comprend). En gros, c’est ce qui permet au scénario d’avancer sans résolution de la part d’un protagoniste. J’ai aussi du mal avec l’incarnation d’Ava qui est annoncée comme ambitieuse, déterminée, mais qui suit bêtement les gens. Aucune violence non plus dans ses réactions. Parlons de son émotivité : pas vraiment de colère ni d’exaltation, elle a des talons qui s’enfoncent dans la boue quand elle suit Ganesh… voilà un résumé de ce personnage.
On a tous les archétypes : la princesse, l’aventurière, le flic roublard, le prophète, les tribus barbares, les politiciens ripous et autres requins. Le messie, le surdoué, les gourous et autres sectes. Un beau gloubiboulga qui je dois le reconnaître peut passer si on est pas trop exigent.
Je trouve que le duo de Deux-Lune et de Naja fonctionne mieux. Leurs introductions sont plus sympas puisqu’elles se font via l’explication d’un contexte, d’une action, et d’un décorum. On les découvre à travers un événement marquant, qui les définit dans leurs caractères. On voit comment ils réagissent et on se fait soi-même une opinion (sans que ce soit une bio-puce qui le fasse pour nous… ce qui est cocasse puisque c’est un des messages que souhaite faire passer l’auteur dans son roman).
Par contre, Deux-Lune trouve des solutions parce que c’est son rôle de trouver des solutions. Pourquoi ? « Parce qu’il sait« . Dès fois, je me suis posé la question si il n’y a pas recours à la citation « ta gueule c’est magique (TGCM) ». Plusieurs fois j’ai douté et là aussi je suis un peu sorti du roman. Je suis même carrément revenu en arrière me demandant si il y avait un chapitre que j’aurais loupé !
Le style d’écriture
Je n’ai pas grand chose à dire sur le style d’écriture. Beaucoup d’évolutions narratives se passent par des dialogues, peut-être parce que c’est une série audio à la base ?
Dobbs se rendit compte qu’il avait jugé hâtivement l’étrange personnage qu’était Caton.
– Dernière chose : pensez-vous que la nouvelle bio-puce sera plus sécurisante face aux Ombres ?
– Elle nous aidera en tout cas à trouver rapidement une solution.
– Qu’en sera-t-il des autres Cités Unifiées ?
– Je suis en contacte via les satellites avec certaines d’entre elles pour les approvisionner en nouvelles bio-puces, au besoin en transférant la production sur leur sol.
– Mes services ne m’en avaient pas informé.
– Il me semblait préférable de mener les négociations dans le secret. Moins d’interférences.
– Vous avez donc trouvé le moyen d’échapper aux grandes oreilles de la Cités ?
– N’oubliez pas que je suis l’un de ceux qui organisaient la surveillance globale. Il m’a suffi de prendre quelques précautions. Tout est maintenant prêt pour passer à l’étape suivante. »
Voilà, est-ce qu’on explique quel était le moyen d’échapper aux « grandes oreilles » (TGCM?)? On a quelques indices avec la cryptographie dont parle Ganesh dans son enquête, mais c’est quand même plutôt maigre. Soit on est un lecteur exigent et on se pose des questions, soit on accepte simplement en se disant « j’imagine que le fait qu’il soit un organisateur de la surveillance de masse lui permet de passer outre et de se prémunir de ce qu’il a lui-même mis en place« . Un peu maigre comme raisonnement je trouve.
Ce que j’en ai pensé
C’est pas mal. Un peu long, mais pas mal. Il y a des passages un peu plus difficile que d’autres, où l’action n’est pas nécessaire, et quelques fois c’est un peu ennuyant ou pas justifié. Mais, globalement, je trouve que c’est une bonne histoire. J’entre-aperçois les parallèles avec notre réalité. C’est un exercice intéressant. Il y a des messages symboliques :
- N’est pas peur de ton prochain qui ne te ressemble pas et essaie de t’y intéresser au lieu de le tuer.
C’est en lien avec le pays des cités et la zone Horcite. Les deux bords ont des visions fantasmées de l’autre camps. Des sauvages malades et dangereux pour les uns, des privilégiés jaloux et sans cœurs pour les autres. Un message intéressant puisque c’est part l’unification des connaissances et compétences de chacun qu’ils viendront à bout de l’intrigue. C’est donc en dépassant les préjugés et les clivages sectaires que de nouvelles stratégies peuvent se mettre en place. - La science n’est pas la réponse à tout. Ne cherche pas des réponses uniquement dans la technologie.
C’est intéressant dans la science-fiction puisque souvent l’humain doit interagir avec la science pour trouver des solutions efficace alors que dans cette histoire, c’est la réflexion humaine qui est à l’origine du malheur et qui est aussi sa résolution. L’auteur veut certainement montrer que tout remettre au main de la technologie ou de la science, afin d’évoluer ou de faire évoluer l’humain amènera un lot de soucis qui peuvent nuire à l’humanité.
Il y a sûrement d’autres messages tels que l’isolement protectionniste ou l’eugénisme qui sont à développer mais je crois que lire le livre vous aidera à vous faire une opinion.
Ce n’est pas le meilleur roman du genre, mais il a le mérite de poser des questions d’actualité et de faire réfléchir sur l’avenir scientifique de l’humanité.
Une réponse à “Qui est artificiel : l’intelligence ou l’instinct ?”
Merci pour le lien 🙂 Du coup, ça m’a permis de découvrir ton blog^^ Pour ce qui est de ta chronique, malgré les points négatifs que tu as signalés, j’irai peut-être jeter un oeil sur le livre à l’occasion.
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