« Derrière les panneaux il y a des hommes » Joseph Incardona 2018
Résumé
Immersion sur une autoroute un 15 août en plein chassé-croisé des vacances estivales. Pour Pierre, cette autoroute n’est pas un simple lieu de passage, elle est devenue son nouveau lieu de vie. Il guette, attend, enfermé dans sa voiture, transpirant à grosses gouttes en cette journée caniculaire du 15 août. Très vite on découvre que Pierre a vécu un drame ici même six mois auparavant. Sa petite Lucie, 8 ans a disparu sur une aire de service. Envolée, volatilisée. Depuis, Pierre parcourt l’autoroute, cherche, traque, interroge, observe, note, recoupe. Persuadé d’avoir affaire à un prédateur récidiviste, une sorte de croque-mitaine. Son instinct lui donne raison : une petite Marie disparaît ce 15 août, dans un périmètre proche. Il sent qu’il se rapproche et tente de s’accrocher malgré le désespoir qui l’habite. Bientôt, les gendarmes font aussi le lien entre les disparitions des jeunes filles et resserrent l’étau. Deux chasses parallèles sont menées. Dans la chaleur accentuée par la prédominance de l’asphalte, les esprits et les corps s’échauffent. Mais Pierre veut être le premier à le trouver, pas question de partager ses informations…
Critique littéraire
Joseph Incardona nous livre un huit-clos haletant, décapant et interpellant. Une sorte de satire sociale dans un univers clos. Pied sur l’accélérateur, défilé de tranches de vies d’hommes et de femmes écorchés vifs, regards en arrière pour tenter de trouver ou de mettre du sens sur la déchéance humaine. Il n’y a pas de flics super-héros, pas de tueur en série, ni de père ou de mère courage, simplement des hommes, des femmes, toutes couches sociales représentées, se débattant avec leurs démons, cherchant à sortir d’un quotidien banal et enfermant.
Joseph Incardona fait de l’autoroute un personnage à part entière. Il y met en évidence ses contrastes : le passage éclair des voyageurs, face à la monotonie et la lenteur des travailleurs de l’autoroute. L’auteur de sert de ce lieu si particulier pour pour faire un gros plan sur la facette la plus noire, la plus sombre de notre société.
Avis
En commençant cette lecture, je m’attendais à être surprise ou bousculée. En ouvrant le roman, j’étais entre l’excitation et l’appréhension : enfin je lis ce roman dont j’ai tant entendu parlé, mais l’atmosphère ne sera-t-elle pas trop sombre? Je n’ai pas été déçue.
J’ai été bousculée par le style de l’auteur : ses phrases courtes et bardées d’adjectifs. On peut être surpris par le langage cru, parfois vulgaire employé. Mais passé l’effet de surprise, je me suis rendue compte que ce langage est un véritable outil au service de l’ambiance que construit l’auteur. J’ai été complètement immergée dans l’atmosphère de cette autoroute en pleine canicule. J’ai senti le fuel, j’ai vu les toilettes sales des stations service, j’ai goûté à ces snacks dégoulinants de graisse. Je me suis laissée embarquer dans cette chasse à l’homme, dans cette traque contre la perversité humaine.
C’est le premier roman en huit-clos que j’ai lu et je l’ai trouvé réussi grâce à la multitude de personnages et à leur diversité. Un roman noir, parfois cynique, un roman à lire absolument que l’on aime ou pas les thrillers. Celui-ci vous emmène dans un voyage qui est ni linéaire, ni monotone.
Alors enclenchez le contact et votre pied ne décollera pas de l’accélérateur !